Extrait
« Millet s’invente des rituels. Il pourrait presque se fondre dans la forêt s’il le voulait.
Albert connaît les coins de lavande et l’odeur du romarin l’apaise. Sur la colline son anxiété s’évapore. Il apprend à détecter les indices laissés par les bêtes et sait maintenant où le hibou se cache, où le hérisson s’endort. Il escalade les sentiers escarpés, sautant par-dessus les murets, contournant les ruines du château, tel un preux chevalier d’une époque révolue. Perché en hauteur, il domine le monde.
Il ne parle pas beaucoup à l’école et baisse les yeux quand on l’interroge, il répond juste le minimum. Pas un mot de plus. Les autres élèves ne le comprennent pas. Il entend leurs moqueries. Raymond reste le seul qui l’accepte comme il est.
Les deux garçons jouent au bord du lavoir, ils éclaboussent les lavandières. Ils ne se font pas gronder, un peu sermonner, rien de plus. Albert observe leurs gestes, la mousse qui court sur le linge, leurs voix qui montent. Mais lorsqu’il rentre, l’odeur de tabac froid et de vin l’assaille de nouveau.
»